Regards

«L’architecte s’occupe d’une infime partie du cosmos. Le lieu, les idées, les choix, il y a une génèse dans toutes constructions avec ses secrets. La conception rêve la construction, l’édification la révèle dans le paysage, la réalité au grand jour nuance le quotidien, la culture s’en nourrit jour après jour

 

Mon expérience japonaise est une volonté d’explorer une autre culture où le paysage est au centre. L’espace y est fragile et transitoire rendant la ville instantanée où les choses se mettent en place comme le résultat d’un processus inconnu.

 

Ici, chaque génération refait sa ville selon des préoccupations plus urgentes que de savoir si la ville est «belle». Les urgences dépassent la réflexion; la réflexion dépassée fait-elle confiance au hasard? La ville semble être le fruit du hasard selon les contraintes supérieures. Les contraintes obligent à ne plus faire abstraction du Tout mais à composer avec lui. Les maisons sont alors plutôt «élastiques» pour se plier au Tout. La paroi est fragile selon une autre idée du rationnel. Entre intérieur et extérieur, entre solidité et fragilité, l’espace, plus ambigüe, est moins cerné. Les maisons semblent plus enfouies dans le cosmos de leurs limites ténues? Ces mélanges suscitent plus d’infini même dans l’exiguité… jusqu’à l’éternité d’un paysage infime.

 

Il y a l’aspect caché des êtres, les secrets des âmes dont l’architecture explore les mystères. L’architecte construit aussi pour l’impalpable afin de rendre le quotidien précieux. La dimension cachée de l’architecture donne au silence sa vocation. Les formes adoucissent ou accentuent ; elles orientent, agrandissent le lointain, la luminosité. Elles procurent le rythme d’une échappée pour atteindre un ailleurs ou l’apesanteur est autre. Des perspectives pointent ce que l’on a jamais pensé, des courbes, des droites, une vue transporte dans un autre «univers» fluide et léger. Les choses se mettent en place dans le droit fil des lieux pour les accomplir.»

 

Henri GUEYDAN, Architecte